samedi 21 janvier 2017

Un peu perdu (Chris Haughton)


Editions Thierry Magnier, 2011

Bébé chouette s’endort et tombe du nid. Perdu dans la forêt il demande à un écureuil où retrouver sa maman. Celui-ci accepte de l’aider mais, guère physionomiste, lui présente successivement une ourse, une lapine et une grenouille ! Heureusement que cette dernière est plus avisée et sait où trouver maman chouette qui, affolée, cherche partout son bébé.

Tout est bien qui finit bien et tout le monde est convié à boire le thé et déguster des biscuits dans le nid ; mais bébé chouette s’endort à nouveau…



Les mésaventures de bébé chouette, savoureuses et humoristiques à souhait, sont servies par un graphisme très séduisant, effectuée à partir d’aplats de couleurs, découpés, assemblés puis complétés par de discrets crayonnés. La bouille des différents personnages, bébé chouette en tête, est tout simplement impayable. Trop mignon ! 

A partir de 2 ans.

vendredi 20 janvier 2017

Tralalère (François Soutif)

Ed. Kaléidoscope

Un enfant, le sourire aux lèvres, est poursuivi par un ogre armé d’un grand couteau ; mais celui-ci s’arrête bientôt, touché par la beauté d’une pâquerette. Il laisse alors l’enfant de côté pour cueillir la fleur et s’en orner la poitrine. Vexé, l’enfant tente de l’appâter en exhibant les bourrelets de son ventre. Mais, décidément coquet, l’ogre refuse de le manger car il s’estime trop enrobé. Furieux, l’enfant saute sur l’ogre et arrache un à un tous les pétales de la fleur. L’ogre s’empourpre, se saisit à nouveau de son grand couteau et la chasse peut recommencer…



Dénué de texte, le livre de François Soutif propose un malicieux renversement des codes des contes pour enfant. D’abord considéré comme victime, l’enfant est en fait le persécuteur d’un ogre guère effrayant. Le ludisme se retrouve aussi dans la conception même du livre qui se déplie en éventail et constitue un cycle perpétuel, l’histoire reprenant là où elle avait commencé. La deuxième malice consiste donc à jouer avec les codes de la lecture.

Ajoutez un graphisme très BD et une alternance simple mais efficace de couleurs chaudes et de couleurs froides et vous obtenez un livre plutôt amusant où l’enfant pourra à son tour devenir l’acteur de l’histoire en décidant quand l’arrêter.



A partir de 2 ans. 

Rats (David Fermer)


Pocket jeunesse, 2011 (édition française)

Daniel, un adolescent de quinze ans, vit dans un orphelinat situé sur une île appartenant à un pays qui ressemble beaucoup à l’Angleterre. Un jour, il découvre que le patron de la pêcherie, Hannes Anderman, utilise une enzyme qui augmente la taille des poissons et accélère leur rythme de reproduction. Seulement, les répercussions écologiques s’annoncent désastreuses ; de plus l’enzyme n’agit pas que sur les poissons mais aussi sur les rats qui prolifèrent bientôt sur l’île.

Daniel est bien décidé à dénoncer les activités illicites d’Anderman à l’aide de ses compagnons, mais il apparaît bien vite que l’homme le plus influent de l’île ne constitue qu’un petit maillon d’une chaîne qui mène au sommet d’un Etat despotique et corrompu. Le destin de Daniel croise alors celui de son ancien ami orphelin Mike, parti sur le continent et cobaye d’expériences secrètes, de dissidents au régime et des rats mutants qui vont devenir de précieux alliés…



David Fermer n’en est pas à son coup d’essai et fait montre d’un réel savoir-faire dans un thriller dystopique qui entretient un rythme soutenu tout en variant les situations et les ambiances.

Le lecteur se voit en effet embarqué dans le récit par une mécanique rigoureuse installée en une trentaine de pages et maintenu dans son intérêt par des chapitres courts qui alternent ambiance de polar, de huis-clos horrifique, de thriller politique et de roman d’aventure. Les techniques d’écritures bien rodées permettent de développer plusieurs thèmes : certains très actuels, comme l’écologie, la conscience politique, le rôle des médias dans la société, mais aussi d’autres plus universels comme la valeur de l’amitié et la rédemption. La peur mêlée de fascination que l’être humain voue depuis des siècles envers les rats est astucieusement convoquée pour être détournée et prendre un nouveau sens.

Rats s’avère donc un thriller mené avec professionnalisme, recelant des éléments de réflexion et un vrai talent d’écriture. Les jeunes lecteurs apprécieront son rythme, son actualité et bien sûr les rats géants. Les lecteurs plus aguerris remarqueront la variété des ambiances et le savoir-faire de l’auteur ; ils considéreront aussi avec indulgence les quelques invraisemblances, facilités romanesques et maladresses glissées ici ou là. Remarquons enfin que l’éditeur a laissé passer une coquille et une faute d’orthographe : saurez-vous les retrouver ?

jeudi 19 janvier 2017

Quand papa était petit y avait des dinosaures (Vincent Malone & André Bouchard)




Texte : Vincent Malone

Illustration : André Bouchard

Editions Le Seuil jeunesse,

Edition collector, 2012

(Première édition en 2003)

Un aperçu humoristique et décalé de la vie de nos ancêtres préhistoriques.

« Quand papa était petit » : le papa en question s’avère un homme préhistorique et cette petite phrase d’introduction est reprise en anaphore tout au long de la visite guidée du quotidien des hommes des cavernes.


La première malice de Vincent Malone est de détourner le sempiternel « moi, quand j’avais ton âge » que tous les enfants ont entendu au moins une fois dans leur vie pour suggérer le monde qui sépare l’enfant de ses parents. L’enfance du papa réprobateur devient le temps des cavernes, aux balbutiements de la civilisation, et toutes les ruminations parentales sont détournées par une imagination délirante. Vincent Malone multiplie les anachronismes, enrichit son texte de jeux de mot et se laisse même glisser de temps à autre vers l’absurde.

Les illustrations d’André Bouchard, dont le style rappelle celui de Reiser, servent parfaitement le propos humoristique et sont particulièrement mises en valeur par la mise en page de cette édition collector. Autre point fort, André Bouchard n’édulcore pas la violence et la dureté de l’univers qu’il peint mais l’intègre dans le processus ironique de l’album.

Irrésistible textuellement et savoureux visuellement, Quand papa était petit y avait des dinosaures possède tous les atouts pour devenir un futur classique. 

A partir de 12 ans. 






samedi 14 janvier 2017

Mon Ballon (Mario Ramos)

Mon Ballon
Mario Ramos
Editions « Ecole des Loisirs », collection « Pastel»

O  tempora o mores, le petit chaperon rouge n’est plus ce qu’il était : exit la  galette et le pot de beurre, la petite fille s’en va voir mère-grand pour lui montrer son beau ballon rouge. En route elle croisera un lion en baskets, un éléphant qui  cueille des fleurs pour son amie la souris, une girafe qui passe  par là incognito, un rhinocéros qui joue à cache-cache, des flamants roses en quête de crevettes, un crocodile qui cherche la mer et enfin le loup, le grand méchant loup, qui se jette sur elle et lui crève son ballon ! Furieuse, la fillette hurle sur le loup qui décampe ventre à terre…


Une irrésistible parodie du célèbre conte canonisé par Perrault qui voit Mario Ramos jouer avec humour sur l’attente du lecteur tout en le gratifiant d’illustrations sublimes, effectuées à la peinture à l’huile. En opposition à une galerie de personnages pour le moins cocasses, le loup, lui, séduit autant qu’il terrifie. Sa fuite n’en est que plus drôle.

vendredi 13 janvier 2017

L'Enfant-phoque (Nikolaus Heidelbach)

L’Enfant-phoque
Texte et illustration de Nikolaus HEIDELBACH
Ed. Les Grandes Personnes 

Les phoques viennent parfois sur terre et ôtent leur peau pour devenir des humains ; celle-ci devient alors leur plus grand trésor car ils pourront un jour la revêtir derechef pour retourner à la mer lorsqu’ils en auront assez d’être humain.
Un petit garçon,  fils de pêcheur, habite au bord de la mer avec ses parents. Son plaisir est d’aller nager et d’écouter le soir sa mère lui raconter les légendes de la mer et de rêver aux créatures merveilleuses dont elle regorge.
Un jour, suite à une longue discussion avec sa mère, son père ramène une peau de phoque et la cache dans le canapé. Le petit garçon la découvre et croit d’abord que son père est un phoque devenu humain. Mais quand sa mère disparaît, il comprend que c’est  en fait sa mère qui a rejoint l’océan et  qu’elle ne reviendra jamais.
L’enfant reste donc seul avec son père ; quand il sera grand, il sera marin à son tour, ou phoque.


L’ouvrage de Nikolaus Heidelbach est une très belle réussite, alliant une forte identité visuelle à une histoire poétique et profonde, recelant plusieurs couches de sens.
L’illustration, effectuée à partir d’aquarelles, se caractérise par un trait sobre, économe en effets et très réaliste. Cette sobriété renforcée par des coloris doux se marie avec une mise en page ludique et un foisonnement créatif, l’auteur prenant un évident plaisir à représenter toutes les créatures énumérées par la mère du petit garçon rêveur. L’accumulation verbale engendre l’accumulation visuelle dans l’océan de l’imagination. C’est la première métaphore du livre.
Le lecteur curieux cherchera sans doute à comprendre le sens de l’étrange histoire qui lui est racontée. Deux pistes d’analyse peuvent être esquissées, celle de la rupture du couple et celle de l’expérience du deuil.
Le mari travaille, reste plusieurs jours en mer et apporte l’argent et la nourriture, tandis que la femme reste au foyer, s’occupe de la maison et de l’enfant. Si l’on accepte l’idée que la peau du phoque symbolise l’identité et l’océan la liberté, on peut lire l’histoire de l’enfant-phoque comme une allégorie expliquant le départ d’une femme effacée ressentant le besoin de s’épanouir et de vivre sa propre vie. Le fait que le départ de la mère suive une longue discussion parentale corrobore cette analyse. Le père amène la peau de phoque et l’enfant, incidemment, révèle l’emplacement de celle-ci à sa mère, montrant l’acceptation de la décision maternelle.
Il est possible de lire aussi l’ouvrage de Nikolaus Heidelbach comme une allégorie sur le deuil, l’océan pouvant faire aussi figure de cimetière, comme l’ont en leur temps imaginé Paul Valéry et George Brassens. La peau de phoque devient alors un suaire que revêt la mère pour aller dans l’outre-monde, qui se situe précisément dans l’imaginaire. Le conte retrouve alors ses origines mythiques.
On le voit, la simplicité  poétique de L’Enfant-phoque cache de nombreuses strates de sens comme le reflet de l’eau cache tout un océan. Évocation et célébration de l’imaginaire enfantin, allégorie sur l’acceptation de la séparation, œuvre métaphorique sur la perte et le deuil, l’ouvrage de Nikolaus Heidelbach peut  être tout cela à la fois, pour qui accepte de rentrer dans son univers et de l’habiter l’espace de quelques pages.


jeudi 12 janvier 2017

Le Loup Tralala (Michaël Escoffier)

Le Loup Tralala
Michaël Escoffier
Kris Di Giacomo
Editions « Kaléidoscope »

« Dis-moi, lapin, tu connais le loup Tralala ? » Le lapin ne le connaît pas : il dessine le grand méchant loup mais ce n’est pas tout à fait ça : le loup Tralala a des oreilles plus petites pour ne pas se faire repérer, des dents usées à force de manger des lapins, un nez plus court pour éviter de se prendre les pieds dedans et une longue crinière noire qui  vole au  vent. « Attention, je l’entends qui arrive ! Va te cacher ! »
Après plusieurs essais infructueux, le lapin se dissimule dans un carton mais le loup Tralala l’y trouve bientôt et lui fait un gros câlin : le loup Tralala n’est rien d’autre qu’une fillette déguisée en loup.

Un album très drôle qui peut servir de prétexte à un jeu avec l’enfant qui cherchera à deviner quel est donc ce mystérieux loup Tralala. L’illustrateur  travaille probablement à partir de fusain et de gouache et nous croque un lapin tout blanc autant désopilant qu’expressif. Les auteurs glissent aussi une référence au Max et les Maximonstres de Maurice Sendak qui rendra nostalgiques les parents et interpellera les jeunes lecteurs qui ont eu la chance de découvrir ce classique de la littérature pour enfants.